mardi 16 septembre 2008

La vie continue à....Moscou!


Le rameur qui venait du froid… ou récit d’un périple vers les terres gelées..

Nous (le Club Aviron d'HEC) étions invité à Moscou pour une régate d'aviron le wek-end du 6-7 septembre...

Nous partîmes donc 12 et revînmes 11…..Le ton est donné, le suspens n’est plus, vous savez dorénavant que cette histoire se termine mal. Le rendez-vous était donc à Roissy, jeudi 4 septembre au soir, pour embarquer sur le vol de nuit Paris-Moscou. Un vol à priori sans encombres, si vous n’avez pas l’intention d’embarquer avec vous quatre rames de 3.85 m de long chacune.. en bagage cabine, bien entendu. Le jeu des quatre premières pelles était parti avec Nicolas et Guillaume le mardi précédent, pour que HEC soit quand même présent dès le début de l’événement. Nous réceptionnons ces rames à Roissy –un malencontreux suicide sur les voies du RER D nous a empêché de rallier la base de Choisy pour récupérer les pelles bien emballées le week-end précédent à temps avant le vol, nous avons du demander l’aide d’un autre club pour qu’ils nous amènent quatre de leur pelles, rouges et non bleues comme le veut la tradition HEC… Vous me direz, du bleu, du blanc et du rouge, ce n’est pas sans rappeler un motif qui nous est bien familier. Nous voici donc en train de faire les imbéciles dans l’aéroport avec ces tubes, de se photographier à l’enregistrement et de rire devant les regards surpris du personnel d’Air France..Une fois la négociation terminée, et grâce à la médiation de l’organisme organisateur et ses coups de téléphone bien placés, Aeroflot nous prend nos rames et les installe en soute et avec le sourire !

Il y a deux heures de décalage avec Moscou en été ; après un vol sans encombre, nous voici à Moscou dès potron-minet, comateux, les pelles sur les épaules (à défaut d’y avoir la tête) en attendant qu’un bus vienne nous chercher. L’aéroport est loin de la ville, à environ une quarantaine de kilomètre; L’autoroute, où se côtoient 4x4 de luxe, Mercedes gonflées et Trabant dégonflées est bordée par les immeubles de grand standing de la banlieue moscovite, reliés entre eux par des rues, ou plutôt des chemins ou même un tank T-72 risquerait de s’embourber. Il va sans dire que les immeubles en construction n’améliorent guère le paysage ; tout au plus se parent-ils de couleurs plus vives, mais le concept de tour en béton massive où il fait bon se serrer l’hiver dans les appartements partagés fait encore fureur. Arrivée à l’hôtel Continental Breakfast englouti comme un finish de course, nous voici parti pour l’entraînement sur la Moskova, fleuve qui traverse Moscou, environ 2 à 3 fois plus large que la Seine. Il fait un beau soleil, la ramerie est un peu chaotique dans les vagues des bateaux, mais les flèches surmontées de l’étoile communiste en toile de fond, si caractéristiques de l’architecture Stalinienne à Moscou contribuent au dépaysement. Sieste, nouvel entraînement et là, deux impressions étranges s’emparent de nous. Tout d’abord, les rameurs anglais et américains viennent d’un autre monde: des golgothes de 2m, nourris aux protéines depuis leur plus jeune âge (surtout pour les américains). C’est comme si nous n’étions pas vraiment à notre place parmi ces équipes en partie olympique venus des quatre coins du monde pour expliquer aux russes comment il faut ramer… Deuxième impression ensuite, celle d’une profonde inégalité entre Hommes et Femmes en Russie : comment ce pays a-t-il des filles aussi bien et des hommes aussi quelconques (d’aucun vont me rétorquer que Marat Safin est russe et qu’il fait craquer les filles, mais quand même). Bref, nous essayons le plus possible de paraître beau et forts pour impressionner ces jeunes damoizelles qui se promènent dans le parc qui borde la Moskova à l’endroit où sont entreposés les bateaux. La première journée a donc laissé un réel doute quant à nos capacités de monter sur le podium samedi soir et nous rentrons dans notre datcha méditer sur le plan de course.
La matinée de samedi est dédiée à un nouvel entraînement, aux ultimes réglages du bateau sous un beau soleil de fin d’été russe. Les festivités commencent en fin d’après-midi avec une série de courses d’embarcations diverses et variées : canoës, kayaks à 4, dragon-boats. Les tribunes officielles et le ponton se situant à l’arrivée de la course, nous embarquons une heure avant pour remonter jusqu’au départ situé à quelques 3.5 kilomètres afin de s’échauffer. Quelques départs, exercices et nous voilà alignés, prêt à partir, avec un beau soleil couchant dans le dos. Tactique de course ? « On part à fond et on accélère ! »… mais voilà que les autres bateaux partent vite eux aussi, beaucoup plus vite même ; très rapidement, ils nous distancent d’une longueur, et nous ne les reverrons plus jusqu’à l’arrivée. Aux deux-tiers de la course, les vagues des bateaux suiveurs (certains nous ont dépassé déjà, obligés de rester avec le peloton de tête) heurtent le bateau, qui s’en retrouve complètement déstabilisé : de l’eau partout, la coque qui se tord dans les vagues, les coups de rame dans le vide, le bateau qui s’enfonce encore plus dans l’eau à mesure que les vagues passent par-dessus le plat-bord et viennent remplir la coque entre les caissons (parties fermées de la coque sous les coulisses des sièges qui empêchent le bateau de couler si il se remplit d’eau). Nous faisons donc le dernier kilomètre au raz des vagues, luttant pour ne pas prendre encore plus d’eau et faire avancer un bateau qui pèse maintenant deux fois plus lourd. Nous arrivons 1.5 minutes après le quatrième sous les encouragements d’un public vraiment…bon public, justement. Nous essayons tant bien que mal de vider le bateau pour pouvoir le sortir de l’eau et après une dizaine de minutes d’efforts, nous arrivons à le soulever, le mettre en tête et le déposer sur ses tréteaux. Il s’en est fallu de peu, car voilà que nous sommes demandés sur la scène pour la remise des prix. Un discours du Maire, un joli feux d’artifices, des médailles apportées par les prétendantes au titre de Miss Russie 2009, des photos, les traditionnelles salutations entre les équipes clôturent la régate « Golden Boat 2008 » de Moscou. Mais la journée n’est pas finie pour nous autres rameurs, car un banquet nous attend à l’hôtel, pour fraterniser entre équipes et fêter la victoire, victoire qui se situe à différents niveaux suivant les objectifs de chaque équipe. Nous avions décidé, par un commun accord, que notre objectif avait été atteint et nous partîmes au banquer l’esprit libre, ravis de pouvoir honorer nos hôtes et leur hospitalité légendaire. Reçus par un shot de vodka, nous eûmes droit à un deuxième discours, et la fête put commencer. Les anglais partirent devant tout le monde et terminèrent leurs bouteilles bien avant tout le monde, d’un air triomphant et assuré ; les américains, un peu guindés au début finirent vite par se détendre et les cinq équipes eurent vite fait de se porter des toasts mutuellement, de subtiliser le micro pour parler philosophie (cela va de soi) et il fût vite difficile pour certains de couper l’énorme gâteau en lignes droites… Mais les invités étaient des rameurs avant tout, et vers minuit, les batteries de chacun s’épuisèrent et les couloirs de l’hôtel redevinrent silencieux une fois chacun rentré (ou ramené) dans sa chambre.

La journée de dimanche fût consacrée à la visite des lieux remarquables de Moscou. Nous fûmes déçus de voir que la Place Rouge était fermée au public. Nous sommes allés nous promener autour du Kremlin, faire un tour au Gum (prononcer « goum »), sorte de Bon Marché encore plus luxueux que l’original où les moscovites les plus fortunés viennent dépenser leur pétrodollars. Par pure provocation, ou simplement pour guérir un mal du pays naissant, quelques-uns (dont je tairai le nom) allèrent au McDonald’s à l’entrée de la Place Rouge où figurez-vous, il y a la queue dès 11h du matin… la mondialisation n’a pas fini de nous surprendre. Nous retrouvons notre guide et sa traditionnelle mallette
– Dis-nous Roman, qu’y-a-t-il dans ta mallette que tu as toujours avec toi ?
- Pistolet…, avec balles en caoutchouc..
- Ah !? Pourquoi, c’est pour nous ? Une obligation quand tu encadres les groupes ?
- Non non ; pour moi, quand je rentre tard le soir, ce n’est pas très sût, et je ne veux plus me faire embêter, donc j’ai pris ça… mais il ne faut pas tirer dans la tête, sinon balle en caoutchouc devient balle réelle
-Ok (d’un air encore plus surpris), tu laisses la sécurité hein ?
Visite d’une église construite après la chute de l’URSS pour marquer le retour du peuple Russe à la spiritualité et nous voici en route pour l’aéroport, finalement tristes de quitter cet endroit étrange mais tellement dépaysant.
Mais nos aventures ne s’arrêtèrent pas là : l’organisme chargé de l’organisation de l’événement n’avait apparemment pas prévenu Aeroflot que nous rentrions avec nos rames. Arrivés au guichet d’enregistrement, nous nous vîmes répondre un non catégoriques, indiquant qu’il était impossible d’embarquer à bord de l’avion avec nos rames. Malgré des négociations dignes d’une prise d’otages et l’étude d’une multitude de solutions, nous avons du nous rendre à l’évidence : quelqu’un devait rester jusqu’au lendemain, quelqu’un ayant un visa valable un jour de plus, et payer l’hôtel et le surplus de bagages pour les rames et quelqu’un qui ne travaillait pas le lundi accessoirement. Ce fut donc Nico qui s’y colla (nous t’en devons une pour cet épisode d’ailleurs), espérant trouver un hôtel pour la nuit et ne pas avoir à dormir sur un banc devant l’aérogare. Nous fîmes le fond de nos poches pour rassembler quelques kopecks et nous voici dans l’avion, ayant abandonné nos rames et Nico, en espérant les revoir bientôt… (les rames bien sûr). Le voyage du retour fût passé à signer des autographes aux passagers, dont certains nous avaient vu à la télévision (véridique !), à regarder les photos et à sourire à l’hôtesse de l’air qui nous permit une transition tout en douceur avant de rentrer en France… C’est enfin le RER filant à travers la banlieue parisienne qui nous ramène à la réalité, alors que les belles images de créatures encore inconnues il y a quelques jours flottent encore devant nos yeux et prolongent le voyage de quelques minutes encore…